mardi 27 mars 2012

Des voyages

Le mois de mars semble être le mois des voyages pour nous. Régine était ici en Haiti au début du mois et je serai aux Etats-Unis demain. Je ne serai pas à Boston, donc je ne pourrai malheureusement pas vous donner mes impressions sur un des cours de Régine. Ce sera pour une prochaine fois! En fait, ce n'est pas correct de dire que c'est le mois de mars qui est le mois des voyages. On voyage beaucoup en tant que professeurs et critiques littéraires. C'est un aspect du métier auquel je ne m'attendais pas en tant qu’élève au secondaire rêvant de travailler entre littérature et enseignement, mais je ne m'en plains pas. Au contraire! C'est un réel plaisir de pouvoir rencontrer tant de personnes différentes, de voir comment la culture et la littérature se transmettent dans différents espaces.

Pour continuer sur ce thème du voyage, le Festival Étonnants Voyageurs s'est tenu en Haiti du 1er au 4 février 2012. J'avais l'intention d'écrire quelque chose la-dessus le mois dernier, mais bon, entre le festival, les cours et la famille, ce n'est qu'aujourd'hui que je trouve le temps de le faire. Mais, j'ai choisi un bon moment car des extraits sonores et visuels du festival sont maintenant disponibles sur le site du Festival Étonnants Voyageurs. Donc si vous n'avez pas pu participer au festival ou si au contraire, vous y étiez et voulez revivre certaines manifestations, voici l'occasion de le faire.  En plus, le festival se poursuit un peu sur le site avec des documentaires, un recueil de poèmes et des réponses à la question: après Haiti, ou êtes-vous? Question à laquelle Hubert Haddad répond "j'y suis, j'y suis toujours." Léonora Miano nous livre ses réflexions sur les rapports entre Haiti et le continent africain, tandis qu'Anthony Phelps évoque l'un des moments les plus émouvants pour lui.  Et Kebir Ammi rêve déjà de revenir. C'est que le festival a été beau. Et les moments de beauté et de partage sont toujours à chérir. Cette édition du festival a rendu hommage à Georges Castera, poète du partage.

Demain, donc, je pars vers un peu plus de partage. Je serai à Swarthmore College en Pennsylvanie pour parler de la litterature haïtienne en compagnie de deux de nos grandes dames de lettres: Yanick Lahens et Evelyne Trouillot.

Le monde est un livre et ceux qui ne voyagent pas n'en lisent qu'une page.
                                                                                                      -St. Augustin
J'essaie de lire beaucoup!

NM

vendredi 16 mars 2012

Enseigner la littérature haïtienne II



Enseigner la littérature haïtienne II


La semaine dernière j’ai eu l’occasion d’assister au cours de ma chère collègue et « co-blogger », Nadève, à l’Ecole Normale Supérieure de l’Université d'Etat d'Haïti.  C’était un vrai plaisir de voir les étudiants et d’observer Nadève en tant que prof.  C'était aussi une bonne occasion de réfléchir au sujet de l'enseignement de la littérature haïtienne dans un contexte différent.  De même, j'étais contente de voir les divergences et les convergences entre nos styles d’enseignement ainsi qu'en ce qui concerne les étudiants.  

Comment est-ce que ce cours de littérature haïtienne ici en Haïti diffère d’un tel cours aux États-Unis?  Ce cours de première année a comme sujet la nouvelle haïtienne—son objectif est d’approfondir la connaissance du genre en général et de se focaliser sur le développement de la nouvelle haïtienne en particulier.  Une question que Nadève a lancée au début du cours m’a fait considérer une des grandes différences entre nos étudiants: « Pouvez-vous nommer quelques  nouvellistes haïtiens ? »  Ils ont nommé :  Yanick Lahens, « Maître » Marcelin, Gary Victor et d’autres encore.  Leur capacité d’identifier une telle variété d’écrivains m’a frappé surtout parce qu'évidemment cela n’est pas le cas dans mes propres cours aux Etats-Unis où la plupart des étudiants n'ont jamais lu d'autres écrivains haïtiens.  Voici peut-être la plus grande différence.  

Dans le contexte haïtien, pas question de lire les textes littéraires comme des études anthropologiques, c'est-a-dire, on peut vraiment rester dans la forme du texte.  De mon côté souvent les étudiants se perdent dans le fond sans vraiment délibérer au sujet de la forme.  Par exemple, quand on enseigne un roman canonique comme Gouverneurs de la Rosée il faut introduire la vie paysanne, le vaudou, la situation linguistique...  Quelquefois le désir d'approfondir la connaissance de l'aspect culturel mène à un manque d'attention aux détails littéraires.   

La question linguistique est un autre endroit où il y a des distinctions notables.  Pour mes étudiants l'utilisation du Kreyòl doit être expliquée, et si l'auteur ne le souligne pas (avec les italiques etc.) je suis chargée de définir et expliquer les expressions.  Mes étudiants ne sont pas toujours capables d’analyser ce choix linguistique ou celui de passer d'une langue à l'autre.  Alors que dans le cours à l'ENS la situation de diglossie se présente en pleine classe.  Ces observations sont surement évidentes, mais étant donné la diversité de nos lecteurs ici à Tande, c'est bien d'y penser, car nous venons chacun de notre propre contexte, même si la mondialisation de la littérature nous permet de lire ces auteurs et étudier la littérature et la culture haïtiennes partout dans le monde.  



En gros, j’étais impressionnée par les étudiants et le professeur (aucune surprise) !  J’ai surtout apprécié comment Nadève faisait référence à la littérature française pour contextualiser la nouvelle haïtienne et pour faire des comparaisons utiles.  C’est quelque chose que je ne fais pas assez souvent dans mes propres cours.  Peut-être cette différence existe parce que je suis très (trop ?) consciente du fait que mes étudiants suivront beaucoup d’autres cours de littérature française des différents siècles et que pour la plupart d'entre eux, la littérature francophone en général et la littérature haïtienne en particulière demeure ici une « littérature mineure »...

RMJC