mercredi 12 décembre 2012

Rideau!

Du 26 novembre au 9 décembre s'est tenu la 9ème édition du Festival Quatre Chemins. 9ème édition déjà? Eh oui, depuis 2003, le Festival Quatre Chemins s'est imposé dans le domaine du théâtre haïtien. Cette année constitue la vraie reprise du Festival après le séisme du 2010, avec environ une dizaine de lectures et de pièces offertes au public. Malheureusement, le public était assez restreint. Comme d'habitude, il n'était pas du tout facile de trouver des cartes pour les spectacles. Les cartes étaient disponibles à l'Institut Français d'Haiti à partir du lundi 26 novembre. Quand j'y suis allée le matin du mercredi 28, il n'en restait que très peu et pas du tout pour les spectacles d'enfants. C'était la même situation à la FOKAL. Mais j'ai pu quand même en avoir quelques-unes. Et j'ai pu heureusement emmené ma fille voir l'un des spectacles pour enfants. On est arrivé sans cartes, on s'est croisé les doigts et la chance était de notre coté. Heureusement parce qu'elle était un peu jalouse de mes soirées théâtrales!

Carline Colagène et Gaëlle Bien-Aimé
c. Josué Azor
La première pièce à laquelle j'ai assisté était Le Jeu de l'amour et du hasard, mis en scène par Jean-René Lemoine. La pièce était superbe. Les comédiens étaient convaincants, surtout Carline Colagène qui était d'un naturel époustouflant dans le rôle de Lisette. Le texte de Marivaux dans lequel deux jeunes de famille bourgeoise changent de place avec leurs servants pour voir s'ils peuvent être aimés pour eux-mêmes renvoi de façon évidente à la société haïtienne contemporaine. En sortant de la salle à la fin du spectacle, un membre non-haïtien du public a fait le commentaire que les Haïtiens avaient bien apprécié la pièce mais que de toute façon cette situation ne serait jamais possible en Haiti. On se demande si elle le serait dans la France de Marivaux. La force de la pièce réside justement dans le fait que Marivaux met son public face à une situation impossible, en les poussant à s'interroger sur les raisons de son impossibilité. 

Voir la pièce m'a donné envie de relire le texte (les jours de préparation des examens oraux pour l'obtention du doctorat sont bien loin!). Ce serait un exercice intéressant que de relire certaines pièces en les replaçant dans un contexte haïtien. Trop souvent, les cours traditionnels de littérature présentent les textes comme étant figés à tout jamais dans leurs lieux et espaces originaux de production. Mais on peut toujours les réactualiser. Le théâtre reste dynamique. Le Roméo et Juliette de Shakespeare a inspiré West Side Story. Sa Tempête  a inspiré Une Tempête d'Aimé Césaire. Je n'ai jamais oublié la représentation du Tartuffe de Molière que j'ai vu joué en France à la Cartoucherie. Ariane Mnouchkine avait décidé de placer le texte en Algérie

Quelques jours après Le Jeu de l'Amour et du Hasard, j'ai vu La Fuite, une mise en scène de Billy Elucien sur un texte de Gao Xingjian. C'est une habitude au Festival Quatre Chemins de faire attendre le public dehors assez longtemps avant de les laisser entrer en salle. Après cette première attente au dehors, on est entré dans l'obscurité pour attendre un peu plus avec un bruit de fond pour créer l'ambiance. Le problème c'est que cette ambiance a duré un peu trop longtemps. Et malheureusement, la sonorisation à la salle de Sainte Rose de Lima était de très mauvaise qualité. On n'a pas eu droit comme à la FOKAL aux annonces nous rappelant d'éteindre les portables. Ce qui était dommage parce qu'il y avait beaucoup de personnes qui avaient manifestement oublié. La porte s'est ouverte de nombreuses fois pour laisser entrer les retardataires. Il était très difficile d'entendre les comédiens, surtout que le public ce soir-là était particulièrement bavard, voulant rivalisant avec les joueurs sur scène. (Il y a eu aussi beaucoup de rires lors du spectacle, qui n'était pourtant pas une comédie.) On a du finalement éteindre la ventilation dans la salle pour favoriser le son, mais le public avait alors très chaud. Vous comprendrez que tout ceci a fait que les conditions n'étaient pas réunies pour que le spectacle soit une réussite. Le jeu des comédiens n'était pas très convaincant et si le premier spectacle m'a donné envie de relire Marivaux, celui-ci ne m'a pas du tout donne envie d'aller à la découverte de l'auteur. Mais un festival, c'est aussi ça, de bonnes expériences et de moins bonnes. C'est un apprentissage pour les comédiens,  les metteurs en scène et tous ceux qui sont impliqués dans la production des pièces, mais c'est aussi un apprentissage pour le public. Pour qu'il sache ce qu'il aime, ce qu'il n'aime pas et pourquoi. Pour qu'il sache aussi comment se comporter en salle de spectacle.

c. Josué Azor
C'est pour cela qu'il est tellement louable que les organisateurs aient pensé à inclure des spectacles pour enfants. Malheureusement, je n'ai pu assister qu'à un seul: Le pays de rien. C'était un spectacle pour enfants, avec la participation des enfants. Le décor ainsi que les costumes étaient assez simples, mais très agréables à voir. Le texte était facile à suivre pour les enfants, mais quand même porteur d'idées. Un spectacle qui donne envie de continuer à côtoyer le monde du théâtre. Il parait qu'il en était de même pour le spectacle Le Chevalier de l'eau présenté par la troupe Actelier théâtre création du Centre Culturel Pye Poudre. Et je dois dire que cela a fait du bien de voir des anciens de l'ENS parmi les comédiens et metteurs en scène. Et de voir d'actuels étudiants dans les salles!

C'est bien que le Festival Quatre Chemins soit de retour. Mais comme quelqu'un m'a dit lors de la pièce de Marivaux, c'est un festival qui crée des frustrés. On aimerait tellement pouvoir tout voir. Il y a tellement de gens qui seraient intéressés à assister aux différentes représentations. Il faut penser à multiplier les endroits de représentation pour pallier au manque de salles de spectacle. Les organisateurs y pensent déjà avec l'inclusion dans le Festival de la Brigade d'intervention théâtrale haïtienne. J'espère qu'ils vont continuer sur cette voie pour s'assurer que le maximum de personnes puisse participer à une aussi belle initiative. 

NM