Une cérémonie d'hommage à Michel-Rolph Trouillot a eu lieu au Centre Culturel Anne-Marie Morisset le mardi 17 juillet dernier. Nous partageons avec vous un extrait du texte lu par Evelyne Trouillot, la soeur de Rolph ainsi que des extraits d'un poème inédit écrit par Roro il y a plusieurs années.
Merci d'avoir partagé avec nous ce moment de recueillement. Nous vous invitons à revenir visiter ces pages dédiées à Rolph aussi souvent que nécessaire. Vous retrouverez très prochainement sur Tande les réflexions sur la culture et la littérature que nous prenons plaisir à partager avec vous.
Merci d'avoir partagé avec nous ce moment de recueillement. Nous vous invitons à revenir visiter ces pages dédiées à Rolph aussi souvent que nécessaire. Vous retrouverez très prochainement sur Tande les réflexions sur la culture et la littérature que nous prenons plaisir à partager avec vous.
[...] Puis je me suis mise à penser à Roro, à ce grand-frère qui avait si souvent fait barrage entre les blessures du monde et moi. Au garçon efflanqué qui rentrait de St Martial avec plein d’histoires à raconter. Je revois ce grand jeune homme au sourire malicieux et au regard profond. Je sens la force de ses bras quand il me serrait contre lui pour étouffer mes peurs de petite fille, accordant à chaque futilité l’immensité de sa tendresse. Je l’entends dire les paroles du Petit Prince qu’il avait joué à une représentation scolaire au Petit Séminaire. Je le vois grimper dans une jeep pour aller aider les rescapés d’un cyclone particulièrement dévastateur. Je le revois, guitare à la main, en train de chercher la mélodie parfaite pour la dernière chanson de Tanbou Libète. Je l’entends nous lire les premières pages de Ti dife boule, et je voudrais simplement qu’il soit encore là, avec cette intelligence extraordinaire que nous acceptions tout naturellement parce qu’elle faisait partie de lui, avec son humour qui jaillissait irrésistible, irréductible. Cet humour que la maladie et la douleur physique n’ont jamais pu briser et que j’ai retrouvé dans sa voix, il y a quelques jours, au téléphone, quand nous nous sommes parlé pour la dernière fois.
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[...] Comment définir un individu ? Qu’est-ce qui marque une vie ? Comment nous marque-t-elle ? Comment parler de Roro et ne pas mentionner ses étudiants dont les mots de sympathie racontent son engagement envers eux, ce souci qu’il avait de faire un lien constant entre les connaissances et la réflexion et les réalités qui nous entourent, réalités qui souvent demandent à être changées? Il a initié chez beaucoup d’entre eux cette relation féconde et profondément humaine entre les études académiques et la vie, entre le savoir et les autres. Cette connexion sans laquelle les diplômes accumulés ne constituent que des marques de pédanterie stériles et banales. Comment parler de Roro sans parler de sa guitare et des chansons qu’il composait pour ses amours, comment parler de lui sans penser à Ti dife boule ou à Silencing the past ? Mais comment parler de lui et signifier qu’il était bien plus que tout cela, qu’un individu ne peut se réduire à l’ensemble de ses actions, qu’il surgit dans un sourire au coin des yeux, dans une main tendue un matin d’hiver à Chicago, dans un éclat de rire partagé à Saint Antoine il y a bien longtemps, dans l’écho d’une voix au téléphone. Je me suis souvenue aussi de ses yeux la dernière fois que nous nous sommes vus, je l’avais compris qu’il était fatigué, qu’il en avait marre, il me l’avait dit aussi vrai que les paroles entre nous n’avaient pas besoin de mots, et je n’avais pas pu l’accepter. Mon grand-frère était fatigué. A moi, à nous d’apprendre aujourd’hui à gérer la douleur de vivre sans lui, à vivre avec le bonheur de l’avoir connu.
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[...] Mwen tonbe son yon lo powèm inedi Roro te voye ban mwen. Petèt li te voye yo bay lòt moun nan fanmi an tou, jan li te abitye fè. Pwobableman li ta pral mete mizik sou yo jan li te abitye fè. Mwen te genyen yo nan tiwa m depi lontan. Se sèten mwen te li yo, reli yo plizyè fwa deja. Chak fwa mwen t’ap fè yon gran mennaj nan papye m yo, mwen te feyte yo epi mwen te ranje yo nan fon tiwa w jiska pwochen netwayaj la. Natirèlman, fwa sa a, mwen chita pou mwen reli powèm yo. Papye a make 26 desanm 1995. 17 lane deja, 17 lane sèlman. Lè mwen kòmanse li tèks yo malgre je m ta p koule dlo mwen te kontan mwen jwenn yon bout kòd m pou anpeche m tonbe nan fon twou a, yon ti limyè pou moman sa a, yon pawòl ki pa pran tèt li oserye men ki respkete lavi, yon pawòl ki marye ak reyalite peyi a, yon pawòl ki gen anpil jenerozite ak imanite, yon pawòl ki si tèlman sanble Roro li klere poukont li. Li rete nan kè w san w pa fòse. Mèsi Roro.
-Evelyne Trouillot
-Evelyne Trouillot
Isit nan syèl
Si yo frape pòt la
di m pa la
di m al chache travay byen lwen
di m pran bato al Senmaten
di m kouche lopital Ziltik
di y arete m pou politik
pa di se mouri mwen mouri
mwen pa bezwen zòt konn afè n
si yo mande pou mwen
di m pa la
isit nan syèl m ap fè lago
ak zanj bondye
kè mwen kontan
se vre m sonje w detanzantan
eske w toujou danse
kongo
Michel-Rolph Trouillot
26 desanm 1995
(ekstrè. tout dwa rezève)
(ekstrè. tout dwa rezève)